Intervention au Conseil Départemental du 20 décembre 2018
Dans la continuité des orientations budgétaires et avant d’aborder plus précisément quelques points, je voudrai pointer quelques considérations d’ordre générale. D’abord je souhaiterai revenir sur le nouveau contexte de relation contractuelle avec l’Etat dans lequel s’inscrit ce budget comme celui de nombreuses collectivités d’ailleurs.
Depuis maintenant quelques années, les collectivités locales sont sollicitées pour contribuer à la résorption de la dette publique. J’ai déjà dit dans cette enceinte que cette contribution ne me paraissait pas totalement déplacée, notamment quand leur potentiel fiscal était sous-mobilisé.
Ce qui est déplacé par contre, c’est cette nouvelle proposition de l’Etat qui conditionne la limitation des baisses de dotation à la signature d’un contrat engageant les collectivités à contenir la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à un niveau moyen maximal de 1,2%. Ce sera 1,05% pour notre Département, niveau qui n’atteint même pas celui de l’inflation qui est estimée à 1,9% en 2019.
Ce contrat léonin, c’est le contrat de la double peine pour les collectivités locales qui se trouvent avec moins de recettes et qui ne peuvent dépenser librement alors même qu’elles votent des budgets toujours à l’équilibre…
On voit bien ce que veut l’Etat : récupérer en partie sur les collectivités les choix fiscaux injustes qui ont été faits et le manque de recettes qui en découlent pour le budget national. Car les manques à gagner du budget de l’Etat ne sont pas négligeables : suppression ISF (3,2 milliards €/an), prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital-flat tax (1,9 milliard €/an) ; évolution Impôt sur les sociétés (11,1 milliards € sur 4 ans), Exit tax (1,5 milliard €/an).
Si le principe de la contractualisation peut se concevoir, cela ne peut se résumer à ce que les charges soient supportées par une seule des parties alors que l’autre en tire les bénéfices. Entraver la liberté de la dépense, c’est aussi contraindre les collectivités à faire le choix pour de nouveaux services à la population soit de l’abandon simple, soit de l’externalisation via la généralisation de délégations de services publics et opter donc pour des services payants. Ce sera peut-être le chemin que notre Département prendra à terme…
Autre considération de nature générale : celle du rapprochement avec les Yvelines.
Il semble que la Ministre de la Cohésion des territoires vous ait annoncé que la fusion des départements de la petite couronne avec Paris n’était plus vraiment à l’ordre du jour. Si c’est vraiment le cas, il faut mettre fin à votre stratégie de fusion avec les Yvelines puisque cette volonté (de votre propre aveu) était principalement motivée par la possible dissolution des départements de petite couronne dans la Métropole du Grand Paris. Le point de non retour n’est pas encore atteint dans le processus que vous avez lancé et il est temps de stopper les projets de fusion de services qui sont en préparation. Poursuivre des coopérations pourquoi pas mais il faut que nos 2 collectivités suivent leur propre chemin
Si j’en viens maintenant à vos propositions budgétaires, les années se suivent et finalement se ressemblent.
Les tendances à la baisse pour une grande partie du champ de compétences sont encore là.
La totalité des crédits consacrés à la politique sociale avec 831M€ est encore en baisse , elle pèse 1 point de % en moins sur l’ensemble du budget (56% BP2019, 57% BP2018). Cette compétence principale avait déjà perdu 28M€ l’an dernier, elle perdra à nouveau 11M€ en 2019. Si un peu plus de la moitié de cette baisse est, d’après le rapport, expliquée par la mise en œuvre du paiement différentiel, l’autre moitié est bel et bien une diminution volontaire de crédits comme l’année dernière.
sur les actions pour lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, je regrette que le financement des actions d’accompagnement n’aient pas connu un ajustement au regard de l’augmentation du nombre de bénéficiaires sur 2018. Le nouveau PDI intègre quelques nouvelles mesures , très bien. Mais l’effort financier dans cet accompagnement devrait être bien plus conséquent. Je le disais déjà l’an dernier mais je le rappelle : 6M€ pour 28300 bénéficiaires du RSA (en moyenne sur le 1er trim 2018) , cela fait une enveloppe annuelle par bénéficiaire de 212 €. Que peut-on faire avec cette somme si faible pour accompagner des bénéficiaires cumulant souvent les difficultés de tous ordres. 212 euros par bénéficiaire, c’est bien maigre au regard des enjeux de retour à l’emploi qui doivent prévaloir. Il aurait fallu un effort substanciel sur cette enveloppe pour accompagner plus fortement et de façon personnalisée.
Au final sur l’action sociale on a quand même le sentiment qu’on déroule des actions qui s’installent dans la routine et qui ne semblent pas voir des publics spécifiques sur lesquels nous devrions porter de nouveaux efforts. Je pense notamment aux jeunes de notre département et à leurs difficultés. J’aurais aimé trouver dans les lignes budgétaires une priorité nette en leur faveur. Aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine la pauvreté touche 16% des moins de 30 ans. Qu’y a-t-il de spécifique pur eux ? pas grand-chose. Ils vont être pourtant au coeur du prochain Plan contre la pauvreté.
Dans ce cadre, l’Etat veut mettre fin d’ailleurs aux sorties sèches, le jour de leurs 18 ans, des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance. Un logement, un emploi, une formation ou un soutien devront leur être proposés, à l’initiative des départements. Quelles dépenses consacrerons-nous à l’accompagnement spécifique de ces jeunes ? Quels efforts ferons nous envers eux ? Aucune ligne budgétaire conséquente ne le dit.
Pourtant il me semble que les marges de manœuvres financières que nous arrivons à dégager chaque année avec un excédent conséquent, devrait nous permettre un peu d’audace et d’imagination au service de ceux qui en ont le plus besoin.
Je vous fais une proposition dans ce sens. Rejoignons les 13 départements ( Gironde, Ardèche, Ariège, Aude, Dordogne, Gers, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Landes, Lot-et-Garonne, Meurthe-et-Moselle, Nièvre, et Seine-Saint-Denis) qui expérimentent le revenu de base en fusionnant certaines aides sociales existantes.(RSA, prime d’activité (545 euros) et sans doute aussi l’allocation logement.).
Expérimentons le revenu de base dans les Hauts-de-Seine !
Vous qui nous avez souvent répété que nos services pourraient largement remplacer ceux de la CAF dans l’accompagnement et le versement de certaines allocations. Voilà une piste un peu originale sur laquelle une expérimentation sur notre département serait intéressante. Elle le serait d’autant plus que nous pourrions verser automatiquement ce revenu à toutes les personnes éligibles et je vous rappelle qu’aujourd’hui, on compte plus de 30% de non recours au RSA.
Cette expérimentation est aussi intéressante parce qu’elle intègrerait également les jeunes de moins de 25 ans dont on sait que le taux de pauvreté est 2 fois plus élevé que le reste de la population. Alors identifions quelques territoires, lançons nous et évaluons ce que cela donne.
Voilà ce qui pourrait représenter une bonne dépense, c’est-à-dire une dépense utile pour celles et ceux que nous souhaitons accompagner vers l’emploi ou vers d’autres activités.
Bien sûr en l’état nous ne pouvons soutenir ce budget et vous voterons bien évidemment contre.