Intervention en séance publique du 14 avril 2023
Monsieur le Président, chers collègues,
Je vous écoutais à l’instant très attentivement et à vous entendre développer vos axes pour ce budget 2023, je ne peux m’empêcher d’avoir un sentiment de déjà vu, de déjà entendu.
Vous me direz que cela aura le mérite de la constance, je vous l’accorde bien volontiers. Mais avec une situation économique et sociale encore plus difficile que les 2 années que l’on vient de vivre, peut-on se permettre de faire la même chose ? car au final ce rapport budgétaire qui nous est soumis ce matin n’est presque qu’un quasi « copier-coller » du budget de l’an dernier avec quelques variations à la marge sur quelques postes, comme s’il fallait juste équilibrer en recettes et dépenses en attendant finalement de voir comment finira le niveau de l’excédent en fin d’année…
Pourtant 2023 est une année qui peut se révéler très difficile d’un point de vue économique et donc social ; Quand les entreprises devront prendre les fortes augmentations du coût de l’énergie, une permanence de pénuries d’approvisionnements, une hausse des taux d’intérêt et le début des remboursements de prêts garantis par l’État, les choses vont devenir compliquées. Nous verrons aussi ce que donnera la séquence sur la réforme des retraites mais avec le recul des âges de départs, il est fort probable qu’il y ait un impact rapide sur le niveau des embauches et que le ralentissement de l’économie pousse les travailleurs vers des emplois plus précaires et des situations de fragilité notamment pour celles et ceux qui même à 62 ans aujourd’hui n’auront pas une carrière complète et qui devront malheureusement subir 2 ans de chômage ou de RSA en plus avant de pouvoir ouvrir leurs droits à la retraite. Tout cela accompagné d’une baisse de la demande des particuliers comme des entreprises, dans un contexte d’inflation durable. Au final sans entrer dans une sinistrose mal venue, la situation va quand même être très difficile pour nombre de nos concitoyens. Il est fort à parier qu’ils auront besoin de l’accompagnement du Département pour faire face et nous sommes en droit d’attendre justement que notre collectivité se prépare à ce choc social.
Le fait-elle dans ce projet de budget ? Non je ne le crois pas !
La lecture de ce budget primitif ne convainc pas non plus notre groupe sur les 3 grandes priorités que vous aviez développées dans vos orientations budgétaires. Celle de développement durable que je trouvais déjà très incantatoire lors du Débat d’Orientation Budgétaire n’est pas plus explicitée dans le rapport que nous avons aujourd’hui.
Sur le Budget primitif lui-même, je ne reviendrai pas sur les évolutions des recettes prévues, notamment sur la transformation de leur nature puisqu’elles deviennent progressivement de simples dotations ou des transferts de taxes nationales (avec l’évolution du paysage fiscal des collectivités voulue par le gouvernement et par votre famille politique). Je ne reviendrai pas non plus sur la disparition de la CVAE et la sous-estimation des droits de mutation ; nous avons déjà eu cet échange lors du débat d’orientation budgétaire.
Pour ce qui concerne les dépenses, ce sera cette année que l’impact du coût de l’énergie se ressentira les plus fortement puisque l’on passe d’environ 15,5 M€ au CA2022 à 38 M€ au BP 2023 soit près de 150% d’augmentation sur les différents fluides (électricité, gaz, etc…).
L’action sociale et la solidarité continuent de représenter un peu plus de la moitié des dépenses réelles de fonctionnement, normal pour ce qui est de la 1ere compétence obligatoire de la collectivité. Le budget dédié à l’action sociale devrait augmenter cependant d’à peine 20M€ (soit juste l’équivalent de la revalorisation salariale des agents issue du Ségur de la Santé ou de la revalorisation des travailleurs du social, médico-social ou sanitaire).
Si l’on porte un regard ensuite sur les différents parcours que composent ce champ de l’action sociale
Sur Le parcours « Petite enfance », notre groupe redit qu’il n’est pas possible de flécher à la baisse le Dispositif BebeDOM alors même qu’on l’avait valorisé au début de cette mandature. Le motif de la baisse des naissances ne suffit pas à motiver ce choix et on ferait mieux d’informer les familles de l’existence de cette aide plutôt que d’en diminuer la ligne budgétaire.
Sur le parcours « protection de l’enfance », nous pouvons saluer le maintien de l’effort entamé en 2022 et qui se poursuit avec 221M€ (le montant dépensé en 2022) en priorisant sur le déploiement des places en structures habilitées afin de faire sortir les jeunes des hôtels. A ce stade ce seront des structures associatives mais cela ne doit pas obérer l’engagement qui a été pris de développer les établissements départementaux afin d’accueillir ces enfants .
Toujours sur ce volet de l’ASE, nous nous étonnons de ne voir aucun fléchage budgétaire pour l’accompagnement spécifique des jeunes majeurs de moins de 21 ans devenu maintenant obligatoire depuis un an. Si on veut réussir l’accompagnement global de ces jeunes et permettre leur insertion sociale et professionnelle, le développement de ces contrats jeunes majeurs est essentiel et il dit aussi s’accompagner de moyens pour la question du logement.
Sur le parcours « Bénéficiaires du RSA », il n’est pas pensable que les crédits soient revus à la baisse pour l’accompagnement socioprofessionnels des bénéficiaires 1M€ en moins alors que l’effort fait sur ce secteur est plus qu’insuffisant à ce stade. Il n’est pas possible que les Espaces d’insertion et le GIP Activity qui accompagnent les demandeurs d’emploi, voient leur budget diminuer. Dans la période actuelle de grande précarisation d’une partie de la population, il faut faire un effort sur ce sujet. Et ce d’autant plus qu’il faut aussi s’attendre à devoir accompagner bien plus de bénéficiaires à cause de la réforme de l’indemnisation du chômage qui commence à être effective et qui enverra vers le RSA des chômeurs non indemnisés plus nombreux. Phénomène auquel il faudra aussi ajouter l’effet collatéral de la réforme sur les retraites (si elle passe) sur la prise en charge de chômeurs plus âgés et plus nombreux étant donné le taux d’emploi actuel des seniors.
Sur le parcours « Seniors » justement, vous nous aviez dit mettre tous vos espoirs dans l’agence interdépartementale de l’autonomie. Aussi nous ne comprenons pas pourquoi son financement est en baisse, tout comme le montant du financement de l’APA. Sur le maintien à domicile, nous notons la mise en place des dernières mesures dérivant du PLFSS2022 qui incluent une dotation complémentaire qualité pour améliorer le service et la qualité de vie des aidants et des professionnels. Mais encore une fois, tout est réglé par des appels à projets avec une charge de travail supplémentaire pour les Services d’aide et d’accompagnement et de l’incertitude d’année en année… (si on pourrait arrêter cette doctrine de l’ appel à projets, je pense qu’on gagnerait beaucoup aussi en qualité dans les relations avec les professionnels et les structures). Je note d’ailleurs que pour ces nouveaux dispositifs , il y aura une compensation presque complète opérée par le CNSA ; cela ne nous coûtera donc pas grand-chose ; raison de plus d’investir encore plus dans le maintien à domicile mais aussi en termes d’investissement pour porter une offre publique d’établissement plus étoffée. Le soutien à l’investissement dans les Ehpad et pour de nouveaux Ehpad publics dans notre département est essentiel. Je sais que les analyses comptables qui focalisent sur le nombre de places offertes en établissement dans les Hauts-de-Seine, considèrent que l’offre est suffisante. Oui mais à quel prix ? à 4500€ ou 5000€ le mois dans des Ehpad privés type Orpea ou autre ? Pour ce qui concerne notre propos, nous parlons bien d’établissement public. Ce qu’il faudrait c’est une offre publique de places en Ehpad plus accessible et (je l’ai dit lors de notre dernière séance) je pense que notre Département devrait s’inspirer de l’expérience du Département de l’Essonne avec son service public du grand âge. Il y aurait peut-être aussi dans cette réflexion un autre débouché pour la coopération avec d’autres département, pourquoi pas dans le cadre de l’EPI78-92 qui reste une coquille vide, une sorte de DDE interdépartementale simplement en charges des routes…
Vous nous dites que vous travaillez à l’Ephad du futur qui est en gros « l’Ehpad à la maison ». Personnellement, je ne dis pas qu’il ne faut pas conduire ce travail mais je pense qu’à côté de « l’Ehpad du futur », il faut aussi penser au futur du modèle de l’Ehpad actuel, c’est-à-dire à la transformation des établissements qui existent et à la création d’autres établissements adaptés car on ne me fera pas croire qu’avec l’allongement de la vie et les complications de santé qui l’accompagnent qu’on pourra faire en sorte que tout le monde vieillisse chez soi.
Sur le parcours « personnes handicapées », nous notons également l’effort qui est fait notamment pour l’amélioration de la prise en charge en établissement spécialisé et sur le service de transport PAM92 en espérant qu’il sera un peu plus disponible et accessible.
Si on quitte maintenant l’action sociale, pour évoquer d’autres interventions notamment autour des collèges, vous savez l’attente que nous avons et que les familles ont surtout, quant au service de restauration scolaire. Les dépenses sur champ seront en augmentation notable en 2023. Espérons que la qualité du service soit aussi présente.
Pour l’accompagnement de ces mêmes collégiens, nous regrettons que les dotations de fonctionnement pour les collèges publics et privés restent figées et non ré-évaluées dans leur mode de calcul. Peut-être pourrait-on regarder tout cela à l’aune du niveau de mixité sociale des établissements. Je l’évoquais déjà en février lors de notre débat d’orientations budgétaire. D’ailleurs je salue en ce sens la proposition de loi de notre collègue Pierre Ouzoulias au Sénat.
Un mot pour poursuivre toujours sur la jeunesse et regretter que seuls 8M€ soient fléchés explicitement sur des dispositifs ciblés. Je note d’ailleurs au passage la baisse de près de 2M€ du Pass+ !! plutôt paradoxal quand on annonce par ailleurs vouloir mettre la jeunesse au centre des ambitions départementales.
Pour terminer sur les différents publics accompagnés, une dernière remarque sur le soutien à l’amélioration de l’habitat privé (qui est une bonne chose) Avec plus de 100 000 logements présentant des insuffisances énergétiques et dans le contexte des prix de l’énergie, cela devrait être une priorité bien plus marquée et surtout avec une autre ambition tant au niveau financier que sur le rythme d’accompagnement. Car au rythme de 1000 ménages soutenus par an, il faudra plusieurs décennies pour résorber le problème… ! il faudra donc vraiment accélérer en volume . Ensuite 1,9M€ par an pour 1000 logements à ce stade , cela fait en moyenne 1900€ par ménage. Même si le Département ne subventionne qu’une partie des coûts On est bien loin des sommes à engager pour la rénovation de passoires thermiques.
Je crois que vous aviez indiqué une dimension développement durable dans vos 3 priorités et qu’on ne la voyait pas trop dans ce budget et pour cause vous en avez ici un exemple. Faisons donc de cette question de la rénovation énergétique un axe fort d’intervention du Département.
Pour conclure, vous comprendrez qu’au regard de toutes ces incomplétudes et des choix en retrait que vous faites finalement sur beaucoup de champs malgré les possibilités qui vous sont données par la largeur du budget disponible, nous ne voterons pas ce budget primitif.
Pour finir néanmoins 2 remarques, je vous invitais lors du débat d’orientations budgétaires à innover sur des volets propices également à apporter un peu d’attractivité et de visibilité sur le champ du développement durable.
D’abord avec une démarche budgets participatifs contribuant à une citoyenneté active à plusieurs niveaux. Et qu’il serait utile d’instaurer dans département comme beaucoup d’autres l’ont déjà fait.
Je n’ai pas été entendu pour ce budget puisqu’aucune ligne n’y est dédiée mais je ne désespère pas que l’on puisse avancer sur le sujet.
Je suggérais ensuite l’élaboration d’un « budget vert » et je suis heureux qu’une 1ère présentation soit annexée au budget principal sous cette forme. J’avoue que je reste encore un peu frustré de cette présentation très synthétique qui, à ce stade de l’expérimentation, ne donne pas encore beaucoup d’indications mais c’est un 1er pas que je salue.
D’ailleurs pour continuer sur ces innovations et puisque le Département à lancer une plan d’action en faveur de l’égalité femmes-hommes, je pense que nous pourrions aussi aller regarder ce que font diverses collectivités sur la mise en place de « budget genré » mettant en exergue comment la dépense publique agit sur l’égalité femmes/hommes.
« Budget genré » et « budget vert », 2 outils qui permettent d’une certaine manière de faire aussi le lien entre le Budget principal et les 2 rapports annuels dont nous avons à débattre le rapport sur le développement durable et le rapport sur l’égalité femmes-hommes. Voilà aussi de perspectives de travail pour l’année prochaine
Je vous remercie