Un réseau faisant l’objet de signalements depuis 2024 sur Montrouge
L’an dernier, à Montrouge, dans une crèche du réseau Maison Bleue, un enfant perdait un doigt lors d’un exercice d’évacuation incendie mal encadré. Un accident aussi dramatique que révélateur des failles profondes de ces établissements. Le manque de personnel qualifié et la pression sur les employé(e)s peuvent conduire à des négligences insupportables.
Puis, début 2025, un article de Libération sur les sévices infligés aux enfants dans une autre crèche de ce même réseau à Montrouge provoquent un nouvel électrochoc. Plusieurs familles ont découvert avec effroi que l’endroit censé accueillir et protéger leurs enfants était en réalité un théâtre de maltraitances.
Et le mois dernier, nouvelle étape, le syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE) porte plainte ce vendredi contre le groupe de crèches privées. Déposée auprès du parquet de Paris, la plainte pour «escroquerie au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public» et «entrave à l’exercice du droit syndical» repose sur des faits décrits en juin.
Retrouvez mon article sur le sujet du 10 février 2025 au complet ICI.
Et en 2025… la majorité reconduit le même prestataire !
Lors du conseil municipal du 19 juin, au moment du vote de la délibération concernant la concession de service relative à la gestion de l’établissement d’accueil de jeunes enfants situé 106, avenue Aristide Briand à Montrouge, nous, élu·e·s du groupe Montrouge en Commun, avons interpellé le Maire, Etienne Lengereau, et sa 1ère Maire-adjointe à la Famille, à la Parentalité, à la Petite Enfance et au Bien vieillir, Claude Favra, sur deux points.
Sur le principe de la délégation au privé de la gestion de cette crèche
Il est incompréhensible que la Crèche Maison Bleue doive être déléguée au privé. Les autres établissements d’accueil des jeunes enfants de la ville sont gérés en direct et les services de la ville ont tout à fait les compétences pour le faire.
La gestion par le privé requière des dispositifs de contrôle et de supervision supplémentaires pour s’assurer que le délégataire respecte les règles d’accueil des jeunes enfants. Ceux-ci ont été insuffisants dans la période précédente pour prévenir la survenue d’événements dramatiques dans cette crèche, événements pour lesquels nous avions exprimé notre tristesse et notre soutien aux personnes concernées.
Lors du dernier conseil municipal du 27 mars, la majorité a décidé de reconduire le principe de la délégation de service public malgré nos demandes de reprise en gestion directe. Aujourd’hui le prestataire doit être désigné.
Pour le choix de ce prestataire
Il est extrêmement surprenant que la majorité reconduise le même prestataire que celui qui était gestionnaire de la crèche dans laquelle se sont produits les incidents de l’hiver dernier.
Gestionnaire pour lequel nous nous inquiétions, depuis plusieurs années, du manque d’encadrement au sein de la crèche, du turn-over, du manque de formation, de l’absence de prise en compte des retours des parents. Or, ni dans le dossier transmis aux membres du conseil municipal, ni dans les éléments de la présentation, le Maire ne présente les dispositifs qu’il a l’intention de mettre en place pour vérifier que les engagements du prestataire seront tenus et qu’il y aura un changement.
Le rapport de l’IGAS
Ces questions, nous ne sommes pas les seuls à nous les poser. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a audité le groupe La Maison Bleue. Dans son rapport en date du 16 juin 2025, elle a constaté :
- Des non-conformités à la règlementation ;
- Des fausses déclarations ;
- La perception de prestations par des moyens frauduleux ;
- Des anomalies dans les comptes sociaux, au point de transmettre un signalement au Procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, une action que les Inspections générales n’utilisent pas à chaque rapport.
- Des dysfonctionnements sur les taux d’encadrement ;
- Des problèmes quant à la formation des personnels, pas seulement à Montrouge donc, mais dans 49% des crèches auditées.
- La mission de l’IGAS a également « eu ainsi connaissance de crèches en grande difficulté et cela parfois sur un an voire plusieurs années. Elle constate, à cet égard, l’absence de processus formalisé, porté au niveau du siège central, permettant d’apporter un appui renforcé aux crèches les plus en difficulté. ».
L’IGAS pointe également des « pratiques, parfois intentionnelles, de transmission d’informations erronées à l’administration ayant systématiquement pour objet de maximiser les versements de fonds publics ».
L’IGAS estime enfin que « la qualité de l’accueil dans les crèches repose sur un niveau d’engagement élevé des professionnels, qui vise à compenser, sans y parvenir systématiquement et au risque de l’épuisement, les difficultés liées à l’optimisation des ressources humaines ». Or, ce sont précisément des contextes propices à la survenue de graves incidents : « malgré des situations d’effectifs dégradés associées à un manque d’encadrement technique, le nombre d’enfants accueillis est rarement diminué par le gestionnaire, et même parfois, l’accueil en surnombre se poursuit et les adaptations également ce qui ne permet pas de garantir la sécurité, la santé et la qualité de l’accueil des enfants. De ce fait les professionnels auprès des enfants sont en grande souffrance, épuisés, et le risque d’incidents, de gestes inadaptés est augmenté ».
Comment, sans moyens de supervision et de contrôle, la Ville peut-elle savoir si la crèche de Montrouge sera exempte de dysfonctionnements ?
Comment la ville envisage-t-elle de contrôler, de s’assurer que de graves incidents ne se reproduiront pas ? Faire simplement confiance au même prestataire, comme indiqué par le Maire, n’étant absolument pas suffisant et à la hauteur de la situation.
Pour ces deux raisons, le principe même de la délégation au privé de la gestion de la crèche, et sur le choix du Maire de persister à reconduire le même prestataire sans tenir compte des leçons douloureuses de la période précédente, nous nous sommes donc opposé·e·s à cette délibération.
Notre tribune dans le Montrouge Magazine n°188
Lors du conseil municipal du 19 juin, la majorité a reconduit la gestion privée de la crèche Maison Bleue, malgré les graves incidents survenus l’hiver dernier et nos alertes répétées.
Pire, elle confie à nouveau la structure au même opérateur, pourtant mis en cause par un rapport accablant de l’IGAS(Inspection générale des affaires sociales). Manque d’encadrement, pratiques frauduleuses, souffrance des professionnels : rien n’a été corrigé.
Le Maire refuse d’expliquer comment il compte contrôler cette délégation. Pas de garanties, pas de transparence, pas de changement. S’obstiner à faire « confiance » à un opérateur épinglé par l’État ne protège ni les enfants, ni les familles, ni les agents.
Pour Montrouge, nous refusons cette légèreté et défendons une gestion publique, humaine et exigeante de la petite enfance. Celle-ci mérite mieux qu’un chèque en blanc à un prestataire en crise. La sécurité des enfants doit primer sur les logiques de gestion.
Pour aller plus loin
« Leur enfant perd un doigt, la famille porte plainte contre la crèche », France 3, 08/01/2024, à lire ICI.
« Claques, coups de balai et de claquettes… Une dizaine d’enfants victimes de violences dans une crèche privée à Montrouge », Libération, 06/02/2025 (réservé aux abonnés), à retrouver ICI.
« Contrôle du groupe de crèches privées La Maison Bleue », rapport IGAS, 16/06/2025, au complet ICI.
« Petite enfance : la Maison bleue visée par une plainte pour pratiques frauduleuses », libération, 19/09/2025 (réservé aux abonnés), à lire ICI.

