Retrouvez mon intervention à la séance du 18 février 2022 sur le Débat portant sur les Orientations budgétaires pour 2022 :
Monsieur le Président, Chers collègues,
Après deux années d’une crise sanitaire, économique et sociale dont la sortie paraît effectivement très progressive, 2022 reste encore une année d’incertitude pour les collectivités locales mais pas seulement pour elles
Incertaine, 2022 l’est tout aussi pour tous nos concitoyens tant d’un point de vue politique qu’économique.
Puisqu’il est d’usage dans cet exercice de débat autour des orientations budgétaires de décrire et de revenir sur l’environnement / le contexte dans lequel s’inscrit l’action départementale, permettez de compléter le tableau qui est donné sur les évolutions de la mécanique fiscale par quelques éléments de considérations plus générales.
Car au-delà de la simple mécanique des flux financiers qui viennent alimenter les comptes des collectivités (dont une partie est me semble-t-il sous-évaluée notamment sur les droits de mutation) c’est bien au service d’un projet que ces financements doivent être mobilisés et ce projet doit répondre aux aspirations et besoins de la population.
Certes, après la suspension temporaire des « contrats de Cahors » qui contraignaient les dépenses de fonctionnement des collectivités, on ne connait pas encore l’ampleur des efforts qui leur seront demandés (et qui nous seront peut-être demandés) lors de la prochaine législature ; mais ces contraintes pourraient bien sûr redevenir d’actualité avec en plus des scenarios d’élargissement du nombre de collectivités concernées et des budgets annexes également ciblés. Tout cela dans un contexte de perte d’autonomie fiscale que nous avons collectivement dénoncée ici, avec la perte de la taxe foncière par le Département.
On ne sait pas non plus quels seront les efforts qui pèseront sur les ménages pour résorber le déficit structurel que la crise aura laisser alors même que les questions de pouvoir d’achat restent criantes et les besoins de protection collectives plus que jamais nécessaires.
Avec la pandémie, nous avons vécu une épreuve dont l’empreinte et les cicatrices perdureront longtemps.
En la traversant, les Françaises et les Français ont montré le meilleur d’eux-mêmes en affrontant l’inédit d’une crise, l’incertitude, l’angoisse et parfois la peur. Ils ont témoigné par leurs comportements à la fois d’un grand sens des responsabilités et d’un esprit de solidarité sans faille.
La pandémie les aura mis à l’épreuve tout comme elle aura interrogé notre modèle économique et notre modèle social et de santé et tout comme elle aura bousculé notre démocratie.
Avec la pandémie, l’État aura fait son retour, plus exactement le rappel de l’importance de l’Etat aura fait son retour. Les Français s’en réjouissent, parce qu’ils savent combien l’histoire de notre pays a été façonnée par son intervention.
Les services publics et notamment les services publics locaux redeviennent symbole d’efficacité et de protection, face aux risques et aux crises, face aux investissements colossaux à réaliser, ils sont la solution moderne pour garantir à toutes et tous l’accès aux biens publics essentiels, à la mobilité, à l’énergie.
Les Français et parmi eux les Altoséquanaisse seront bien appauvris durant ce quinquennat. Enfin pas tous…Le quinquennat s’était ouvert par la suppression de l’ISF et n’a cessé, depuis, de privilégier les entreprises et les plus riches de nos concitoyens, au détriment de l’ensemble des Français dont le pouvoir d’achat a progressé bien moins rapidement que dans les autres pays de la zone euro.
Avec la crise, même si beaucoup ont été protégés, une partie de la population a définitivement basculé dans la pauvreté.
Cette pauvreté continue de frapper (je le rappelle) plus de 22% des jeunes de moins de 30 ans (soit 1 jeune sur 5) et plus d’une personne sur 10 de plus 60 ans ; on mesure combien les difficultés sont grandes et les défis à relever importants.
Le creusement des inégalités sociales a été lui aussi grandement alimenté par une politique fiscale injuste déjà extrêmement problématique avant le déclenchement de la crise sanitaire.
Il a pris des proportions encore plus inquiétantes avec la précarisation renforcée par la crise des publics les plus fragiles. Pour preuve la part importante du chômage de longue durée qui continue de frapper plus de la moitié des demandeurs d’emploi altoséquanais mais également la hausse significative, dans notre département, du nombre de foyers allocataires du revenu de solidarité active (RSA) de plus de 4%, courant 2021 (une des augmentations les plus élevée en Île-de-France).
Même s’il semblerait que leur nombre ait quelque peu diminué depuis avec un nombre de 32600 foyers bénéficiaires en octobre 2021.
Avant de pointer d’autres sujets, je voudrai m’arrêter sur la situation des bénéficiaires du RSA pour redire comme tous les ans qu’une véritable politique d’accompagnement socioprofessionnel personnalisé mérite mieux que les seuls 7,6M€ proposés qui sont largement insuffisants. Comme la pédagogie est l’art de la répétition, je le redis encore : 7,6M€ pour 32600 foyers bénéficiaires, cela fait 233 euros par foyer en moyenne. Qui peut m’expliquer comment avec 230 euros par foyer bénéficiaire, on arrive à faire de l’accompagnement personnalisé quant on connait les coûts ne serait ce que des formations… si l’on veut par exemple véritablement résorber le chômage de longue durée (qui représente plus de la moitié des demandeurs d’emploi, comme je le disais tout à l’heure). Certes le Département n’est sans doute pas le seul intervenant sur ce volet mais sa contribution reste faible alors même que c’est une compétence obligatoire. Enfin dans le cadre de la facilitation d’accès aux emplois de proximité, il me semble qu’une réflexion sérieuse pourrait être menée pour évaluer les opportunités d’expérimenter le programme Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée avec les communes et les associations volontaires pour trouver de nouvelles pistes d’insertion sociale et professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Pour poursuivre je ne vais pas m’engager sur l’ensemble des points qui sont développés dans le rapport (la discussion à venir sur le BP sera aussi là pour cela) mais au-delà de ce 1er point sur les solidarités,
Solidarités sur lesquelles la moitié des dépenses de fonctionnement sont fléchées, finalement rien de plus normal pour une collectivité dont la compétence principale et obligatoire est justement la solidarité…
je voudrai pointer 3 domaines spécifiques identifiés dans le rapport que sont l’autonomie, la protection de l’enfance et le logement.
- Sur l’autonomie
Un mot d’abord sur la question de l’autonomie et de la prise en charge de personnes âgées. C’est un sujet qui a défrayé la chronique ces dernières semaines ciblant notamment la gestion d’un Ehpad de notre département. Nous avons prévu une question orale en fin de séance sur ce sujet et notamment sur les opérations de contrôle mais ce n’est pas cela que je veux évoquer tout de suite.
Nous comptons 110 EHPAD dans notre département (dont 18% sont des établissements publics) avec des prix de séjour mensuels prohibitifs qui, selon le secteur public/privé, oscillent entre 2400€ et 4000€ ( voire même beaucoup plus pour certains établissements, de 6000 à 7000 pour l’Ehpad de Neuilly )
Or nous avons besoin dans notre département d’une offre publique à des prix accessibles bien plus nombreuse que celle existante aujourd’hui et je ne comprends pas pourquoi le Département ne participe pas encore que timidement à ce développement. Je note l’effort d’investissement de 20M€ sur 5 ans qui est envisagé mais vu la vétusté du parc actuel et les besoins grandissants, les altoséquanais sont en droit d’attendre que leur collectivité départementale s’engage vraiment de façon volontaire dans l’accroissement d »une offre de qualité et diversifiée, à moins que l’on considère que les altoséquanais âgés soient « condamnés » à devoir vivre leurs vieux jours très loin de leur lieu de résidence actuel.
Bien sûr, le traitement de l’accompagnement des personnes âgés ne passe pas uniquement par l’hébergement en établissement et je sais que le modèle de l’ « EPHAD à domicile » est une voix également à développer. Aussi dans le contexte actuel, on aurait pu s’attendre justement à ce qu’une impulsion nouvelle soit aussi donnée aux opérations de maintien à domicile qui évitent quelquefois la séparation avec le conjoint et permettent de conserver ses repères et garder ses habitudes. Sur le maintien à domicile, nous ne trouvons rien de neuf dans vos propositions. Et si un Plan Seniors est prévu cette année et bien il devrait répondre aux besoins que je viens d’évoquer à savoir l’accroissement de l’offre en institution et de efforts accrus pour le maintien à domicile avec un volet adaptation du domicile renforcé.
- Sur la protection de l’enfance
Il faut repenser les mesures d’accompagnement par l’Aide sociale à l’enfance pour garantir à des enfants, déjà grandement fragilisés par la vie, de pouvoir s’épanouir et retrouver la liberté d’une confiance dans l’avenir. Un effort doit être fait pour sortir les jeunes des hôtels. Même si nous sommes conscients que cette orientation n’est pas complètement réalisable à très court terme, elle doit être un objectif clairement affiché et assumé.
Ces mesures d’accompagnement doivent aussi s’appuyer sur le renforcement de la place de la prévention spécialisée qui reste aussi le parent pauvre du budget à venir (je ne vois aucune orientation claire de soutien à ce secteur de la prévention)
Enfin, le travail de meilleur repérage des situations de mise en danger des enfants devrait là aussi être ciblé. Cette meilleure connaissance devrait être portée par un observatoire départemental de la protection de l’enfance mobilisant l’ensemble des acteurs concernés et des moyens spécifiques devraient ainsi être fléchés pour l’ensemble des orientations que je viens de citer.
De la même manière, des efforts devraient être opérés pour sécuriser les parcours des jeunes accompagnés par l’aide sociale à l’enfance, notamment à l’entrée dans la majorité et au delà.
- Sur le logement, enfin
La question du logement est évidemment une question importante car elle concentre de nombreux enjeux : celui du pouvoir d’achat avec le poids relatif des loyers, celui de l’aménagement du territoire, celui de la transition énergétique avec la rénovation thermique, celui du maintien à domicile des personnes âgées (dont je parlais tout à l’heure) et bien d’autres encore. Face à la tension sur le marché immobilier et vu le nombre important de villes encore carencés en matière de logement social, il faut évidemment relancer la production de logement social et abordable
Je m’étonnais l’an dernier de voir le Département avec un soutien un peu mou envers Hauts-de-Seine Habitat. Je constate que les choses changent et le bailleur social départemental semble vouloir s’engager dans un effort de construction significatif. Dont acte. Nous espérons que ce soutien du Département permettra d’atteindre la cible annuelle de logements des 1000 logements annoncés.
Pour prolonger ce soutien sur le terrain du logement social, peut-être que le Département pourrait aussi s’engager dans le soutien aux organismes de foncier solidaire (comme le font déjà d’autres collectivités dont le Département des Yvelines), en finançant ou garantissant ainsi des opérations qui permettent de préserver du foncier durablement abordable tout en maintenant une vocation sociale.
Monsieur le Président, chers collègues,
Voilà quelques-unes des remarques que notre groupe tenait à faire sur vos orientations budgétaires.
A ce stade il nous semble que ces orientations ne répondant pas complètement aux attentes des habitantes et habitants de notre Département. Mais sans doute que les suites du débat de ce matin vous permettront d’apporter des éléments d’amélioration au budget qui nous sera présenté en avril