Séance publique – 5 FEVRIER 2016
Intervention de Joaquim TIMOTEO
Rapport sur la création d’un établissement public de coopération interdépartementale Yvelines/Hauts-de-Seine
Monsieur le président, chers collègues,
Je n’avais pas encore bien mesuré avant la dernière cérémonie des vœux combien la question de la fusion de notre département avec notre voisin yvelinois était une véritable lubie pour vous et Mr Bédier .
Il me semblait pourtant que l’urgence actuelle, que la situation de notre pays, celle de notre département, les conditions d’existence et l’amélioration du cadre de vie de nos concitoyens Altoséquanais appelaient des mesures fortes dans les champs de compétences de notre collectivité. Mais la proposition, quelque peu exotique, d’une fusion à venir des 2 départements et préalablement la création d’un établissement de coopération interdépartementale dont nous débattons ce matin, ne répondent en rien à cela. Elles sont même à mille lieux des attentes des Altoséquanais.
Car on a beau chercher la logique qui pourrait prévaloir dans cette décision, on ne la trouve pas. Elle n’est ni géographique, ni économique, ni sociale.
Si l’argument de la frontière commune (au demeurant la plus longue) est physiquement nécessaire pour penser une fusion, il demeure un prétexte facile et bien maigre pour bâtir une coopération amplifiée. La question des frontières est d’ailleurs toute relative pour des territoires de la petite couronne à la densification continue et au continuum urbain dense tel que cela a été rappelé par plusieurs intervenants.
Vient ensuite l’argument de l’efficience et donc de l’optimisation des ressources. « Efficience dans tous les domaines » disiez vous d’ailleurs dans la presse dernièrement (Le Parisien, 11 janvier 2016). Oui, mais comment ? Faut-il voir ici votre souhait partagé avec Mr Bédier de diminuer à terme les effectifs des agents des 2 collectivités pour rendre un service au public avec moins de moyens notamment humains ? Il est vrai que celui qui sera peut-être le candidat de votre camp pour 2017 a réaffirmé son souhait d’étendre aux collectivités locales son principe de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite…
Quand on voit également l’orientation prise par le département des Yvelines en termes d’imposition, on ne peut que s’inquiéter : augmentation de 5 points du taux de taxe foncière (+66%), soit une augmentation de 125€ par foyer assujetti. Diminution du financement des crèches, fin du financement de la carte Imagine’R. Est-ce cette ligne commune que vous souhaitez imposer à terme ou tout de suite aux habitants des Hauts-de-Seine ? Sur certains aspects, c’est effectivement déjà le cas.
Nos 2 départements n’ont en réalité que peu de choses en commun.
Et nous avons tous bien compris qu’au final cette proposition n’est pour vous qu’un contre-feu allumé face à la Métropole du Grand Paris dont vous refusez le projet et face à la vraie et utile fusion qui nous attend à l’horizon 2020 avec les départements de la petite couronne et Paris.
N’ayant pas réussi à empêcher sa création vous souhaitez maintenant détruire le projet commun de la Métropole du Grand Paris.
Sur la question de la proximité
Cette fusion avec les départements de la Métropole du Grand Paris vous la refusez au motif que l’on aurait besoin des départements pour exercer les compétences de proximité. Dans le passé vous avez même affirmé, je cite, que « les départements étaient les seuls à avoir le professionnalisme et la proximité pour s’occuper de la protection maternelle et infantile, du RSA, des assistantes sociales » (Le Monde 14 janvier 2014). Si tel est le cas pourquoi choisir alors d’éloigner chaque jour plus l’usager du service rendu par le département.
Où est la proximité quand vous choisissez de regrouper dans des pôles des services auparavant
Où est la proximité quand vous choisissez de vous défaire des équipements de petite enfance en les municipalisant ?
Où est la proximité quand vous imposez les coupes budgétaires successives aux centres de PMI et aux clubs de prévention?
Où est la proximité quand vous vous délestez d’une partie de la voirie au profit des communes ?
Où est la proximité quand vous refusez de venir en soutien au secteur associatif ?
Avec la montée en puissance de l’intercommunalité, sans doute les départements resteront-ils les outils importants de mutualisation et de cohésion sociale notamment entre le monde rural souvent relégué et les pôles urbains qui concentrent les richesses. Vous conviendrez que cette articulation rural/urbain n’est pas la réalité des départements de petit couronne parisienne et donc pas non plus celle des HDS,alors qu’elle a encore du sens dans les départements de la grande couronne tel que les Yvelines ou la Seine et Marne.
Enfin l’agrandissement des Régions pourrait obliger à maintenir les départements, pour des questions évidentes de proximité des politiques sociales. Mais l’Ile de France échappe à ce scenario. Dans ce nouveau cadre de l’intercommunalité, ce sont les territoires, les Etablissements Publics Territoriaux-EPT, qui seront les nouveaux outils de la proximité
Sur la question de la péréquation
Cette fusion avec Paris et les départements de la petite couronne vous la refusez notamment au nom d’une péréquation que vous êtes nombreux ici à juger souvent comme un processus immoral et que vous dénoncez avec vigueur avec des mots pas toujours aimables pour nos collègues de l’Est parisien.
Personnellement cela m’interpelle. Car franchement si la péréquation est un processus si mauvais pourquoi l’avoir inscrit dans la Constitution alors ? pourquoi en avoir fait un objectif de valeur constitutionnelle ? Car je pense que personne ici n’a oublié que depuis la révision constitutionnelle de 2003 faite par votre majorité, la loi doit prévoir des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. J’imagine, Monsieur le Président, que le ministre des libertés locales que vous étiez alors a dû être en première ligne sur cette question.
Aussi dans un contexte de réduction des transferts financiers de l’Etat vers les collectivités où l’on constate par ailleurs que près de 80% des transferts financiers relèvent aujourd’hui de la péréquation verticale, il est clair qu’il faut faire une place plus grande à la péréquation plus horizontale qui renforce les solidarités entre les territoires.
Mais la fusion avec les Yvelines serait doute pour vous une sorte de nouvel « outil d’optimisation fiscale » qui vous permettrait d’échapper à la solidarité entre territoires de la petite couronne parisienne. Un outil qui vous permette de promouvoir un entre-soi bien compris entre départements riches.
Un dernier point enfin. Étant donnée l’ampleur que vous souhaitez donner à votre projet de coopération, il ne peut décemment pas se faire sans qu’à un moment la population ne soit consultée. Alors que les élections départementales qui nous ont conduit à siéger dans cette enceinte il ya maintenant presque 1 an, aucun des programmes politiques avancés par la majorité sortante, pas même le vôtre Mr le Présidente, n’a évoqué cette orientation. Et on voudrait aujourd’hui faire sans la population… cela n’est pas possible… J’en appelle donc à une consultation au plus vite, à un référendum des populations des Hauts de Seine et des Yvelines pour qu’elles se prononcent sur cette stratégie de rapprochement. La loi ne nous y oblige plus pour des questions de simplification administrative voulue par le gouvernement, mais elle ne nous l’interdit pas.
Il faut certes voir loin pour notre département. Mais le projet commun que nous devons préparer, c’est celui d’un destin commun avec Paris et les départements de la petite couronne.
Ainsi, nous vous appelons, Monsieur le Président, à revenir à la raison en privilégiant l’intérêt des alto-séquanais plutôt que vos intérêts personnels. Votre projet n’offre aucune perspective ni pour les habitants des deux départements ni pour la population de la métropole.
Pour finir, comme en général les lubies sont éphémères et passagères, j’espère que ce sera le cas pour celle-ci. La marche vers cette fusion n’a aucun sens. Une coopération renforcée avec Paris et au plus vite avec les départements de la petite couronne est quant à elle impérative si on veut réussir la Métropole du Grand Paris. Les mobilités des Altoséquanais vers ces territoires justifient aussi qu’on s’engage sur cette voie.
Et puisque certains ont voulu voir dans le rapprochement entre nos 2 départements une forme d’officialisation de fiançailles avant un mariage à venir, (pour garder l’image) j’espère pour ma part qu’il ne s’agit que d’un simple flirt sans lendemain car sur cette voie il n’a pas d’avenir !!
Les élus socialistes ne voteront pas ce rapport.