Les conseillers départementaux avaient à délibérer le 30 juin 2017 d’une demande formelle de regroupement des départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines, la majorité de droite ayant demandé par courrier au Président du conseil départemental de l’inscrire à l’ordre du jour de la séance publique.
Voici mon intervention au nom des élus socialistes sur le rapport présenté.
» Monsieur Le Président, chers collègues,
Je veux remercier tout d’abord Mr Berdoati (président du groupe de la majorité) pour sa présentation mais je m’étonne de ne pas avoir trouvé sa signature en bas du courrier qui vous a été adressé M. le Président !
On ne compte plus dans cette assemblée les rapports sur la question du rapprochement des Hauts-de-Seine et des Yvelines, qui se sont appliqués à inscrire dans une certaine irréversibilité des choix que nous avons toujours contestés et avec un objectif final assumé : contester et détricoter la Métropole du Grand Paris ; la détricoter avec méthode , une méthode simple et qui n’est pas que locale : tenter d’un côté de fracturer ses frontières de la Métropole du Grand Paris (MGP) de l’intérieur par une fusion avec les Yvelines à l’ouest ; enfoncer d’un autre côté ces mêmes frontières sur le reste du territoire francilien en maintenant une pression vers le centre via l’association « Grande Couronne Capitale », l’association des départements de la grande couronne au sujet de laquelle M.Durovray, son président ,disait qu’il s’agissait d’un outil de « lobbying » pour « chasser en meute » contre la MGP qu’il ne juge « pas viable » (AFP, 05/11/15). Tout est dit !
Votre projet de fusion n’est finalement dans ce contexte qu’un artifice temporaire pour préserver quelques positions. Et nous ne sommes pas certains que si les dernières échéances avaient donné un autre résultat nous serions aujourd’hui encore en train de parler de fusion dans les mêmes termes.
Mais les annonces du Président pendant sa campagne sur l’avenir des départements ont créé sans doute un vent de panique dans vos rangs puisque Emmanuel MACRON avait annoncé qu’il était plutôt favorable à la disparition des départements dans les métropoles.
C’est sans doute pour cela que vous souhaitez donner d’ailleurs un coup d’accélérateur à cette unification de deux départements qui n’ont pas grand chose en commun par ailleurs.
Si ce n’est pas cela, alors on ne comprend pas ce souhait d’aller plus vite aujourd’hui alors même que nous n’avons même pas le recul pour évaluer le gain d’efficacité et de performance des services que vous avez déjà choisi de fusionner. Nous ne voyons pas d’ailleurs, chers collègues, sur quels critères vous vous basez quand vous évoquez la réussite opérationnelle et la performance économique des missions mises en commun. S’il n’est question pour vous que des économies opérées par le biais des achats groupés, je concède qu’elles peuvent être réelles mais je rappelle qu’elles demeurent possibles sans la fusion de nos 2 collectivités.
Vous rappelez également presque comme une évidence que « le regroupement serait presque déjà effectif d’un point de vue spatial avec la longue frontière commune à nos 2 Départements », plus loin dans le courrier il est dit qu’historiquement nos 2 territoires étaient déjà associés dans le département de la Seine et Oise.
Sur ces deux points je ferai quand même deux remarques :
D’abord si l’argument de la frontière commune (au demeurant la plus longue) était une condition nécessaire pour penser une fusion, il serait loin d’être suffisant pour créer les conditions d’une coopération vraiment amplifiée. La question des frontières est d’ailleurs toute relative pour des territoires de la petite couronne à la densification continue. Si cette question de longueur de frontières était d’ailleurs un argument vital pour chacun des candidats à la fusion, cela ne serait avec les Hauts-de-Seine que les Yvelines auraient intérêt à fusionner mais bien plus avec l’Essonne ou le Val d’Oise quand on regarde l’étendue de leur frontière commune..
L’argument d’appartenance historique au même Département de la Seine-et-Oise est également un peu limité dans la mesure où environ 30 communes actuelles des Hauts-de-Seine (29 exactement) appartenaient jusqu’à la fin des années 60 au Département de la Seine (qui est à peu près le périmètre de la MGP)… et non à la Seine-et-Oise.
Nous ne partageons pas votre option d’une métropole à l’échelle de la région car la problématique de la MGP n’est pas celle de la Région. Il s’agit avec la Métropole de pouvoir se mettre au même niveau que d’autres métropoles mondiales. Mais aussi de travailler à l’équilibrage des territoires de la métropole en terme de logements et de développement.
Dans votre courrier, vous nous invitez, chers collègues, « à prendre notre avenir en main et à répondre aux demandes de nos administrés ». Nous partageons cet objectif et nous estimons que nous devons justement le déployer au sein de la MGP et profiter aussi de l’attractivité complémentaire de la ville capitale et des atouts des autres territoires de la Métropole que sont la Seine Saint Denis et le Val de Marne.
Avec la montée en puissance de l’intercommunalité, sans doute les départements resteront-ils des outils importants de mutualisation et de cohésion sociale notamment entre le monde rural souvent relégué et les pôles urbains qui concentrent les richesses. Vous conviendrez que cette articulation rural/urbain n’est pas la réalité des départements de petit couronne parisienne et donc pas non plus celle des Hauts-de-Seine, alors qu’elle a encore du sens dans les départements de la grande couronne tel que les Yvelines.
Enfin, comme nous l’évoquions déjà dans des débats passés, l’agrandissement des Régions pourrait obliger à maintenir les départements comme échelon intermédiaire, pour des questions évidentes de proximité des politiques sociales. Mais l’Île de France échappe à ce scénario. Dans ce nouveau cadre de l’intercommunalité, ce sont ce sont les territoires, les Etablissements Publics Territoriaux (EPT), qui seront les nouveaux outils de la proximité, notamment dans les métropoles.
Vous avez depuis plusieurs mois multiplié les actions de communication, d’expositions diverses, mobilisé à plusieurs reprises le conseil de développement durable départemental puis interdépartemental, mis chaque action du Département sous la contrainte de devoir passer sous les fourches caudines de la préparation de la fusion.
Pourtant le sentiment que tout cela nous donne, c’est que malgré ces efforts, cela ne prend pas !! Il n’y a aucun enthousiasme, aucun élan massif parmi nous (à part le vôtre, Monsieur le Président), mais pire aucun élan populaire.
Et pour cause, les habitants n’en veulent pas. A titre d’exemple, en janvier dernier, un sondage du Parisien 92 portant sur environ 1900 personnes indiquait que 73% d’entre elles ne trouvaient pas que la fusion soit une bonne idée ; hier, jeudi 29 juin, à la même question posée par le Parisien 78, 76% des 1200 personnes ayant répondu était aussi contre.
Alors avant d’engager plus loin cette démarche de rapprochement, nous devons consulter la population. Nous avons déjà formulé cette demande et appeler à une consultation au plus vite, à un référendum des populations des Hauts de Seine et des Yvelines pour qu’elles se prononcent sur cette stratégie de rapprochement.
Cette consultation n’est plus obligatoire (puisque la loi de simplification en a voulu ainsi, mais nous le regrettons). Elle n’est pas obligatoire mais elle n’est pas interdite. Aussi n’ayons pas peur de l’avis de nos administrés et si nous devons répondre à leurs demandes, écoutons-les avant que d’engager des changements si importants mais aux retombées hasardeuses. Mr Berdoati parlait tout à l’heure d’audace pour qualifier ce projet de fusion ; nous y voyons plutôt une volonté de repli, d’échappatoire aux solidarités naturelles qui doivent se construire au sein de la Métropole du Grand Paris.
Évidemment nous rejetons totalement votre projet de fusion et voterons contre ce rapport.«